PRESS

Alain Delaunois / VOYAGES AU CENTRE DE LA TERRE / paru dans le Catalogue d'exposition galerie Jean-François Kaiser 2015

LAURENT IMPEDUGLIA,  

VOYAGES AU CENTRE DE LA TERRE 

 

    

   S’il était né au lointain XIXe siècle, sans doute Laurent Impeduglia aurait-il pu incarner avec l’autodérision qui le caractérise dans la vie courante, et en plus déchaînéAxel, le jeune neveu du professeur Otto Lidenbrock dont Jules Verne raconte l’extraordinaire et tumultueuse expédition dans Voyage au centre de la terre. Cratère volcanique, montagnes, cheminées, gouffres, galeries, et surtout une gigantesque caverne, dans un environnement d’eau, d’air, de soufre, de fumerolles et de feu?: voici des éléments qui, réunis, suggèrent un univers apocalyptique dont Laurent Impeduglia, notre contemporain, a retrouvé les traces, et dont il escalade lui aussi, avec une curiosité toute plastique, quelques-uns des reliefs accidentés, à travers ses peintures, sculptures, installations et dessins 

 

Jules Verne a fait paraître son Voyage en 1864, et Laurent Impeduglia, osons le dire, a fait mieux encore : il est né exactement un siècle et dix années plus tard. Cet Axel barbichu et à casquette, dont le clin d’œil canaille signe le goût prononcé de l’ironie vacharde, est originaire de Liège, où il enseigne le dessin à l’Académie des Beaux-Arts. Il livre depuis une dizaine d’années, dans un parcours international, les chapitres d’une œuvre furieusement nourrie de couleurs vives et de lettrages explosifs, manipulant une forte charge iconoclastique et de solides cartouches d’humour burlesque pour mieux faire sauter quelques valeurs sociétales – qu’on pourrait dans un monde global identifier à l’art, l’argent, le travail, les religions et croyances de tout ordre. Mais l’œuvre d’Impeduglia jongle également avec les références culturelles de sa génération, née en même temps que le développement commercial des consoles de jeux vidéo, ainsi qu’avec les symboles, plus ésotériques, des alchimistes et des chercheurs intemporels de l’absolu – lequel reste, comme chacun sait, encore à découvrir avant de pouvoir incidemment le définir.  

 

Une jeunesse baignée par la culture punk-rock assez barje de deux décennies, celles des années 80-90, mais également marquée par la disparition brutale de son frère aîné, a également irrigué de manière parfois très visible, parfois souterraine, le monde de l’artiste. Bien que sorti par la porte d’une académie des beaux-arts, avant d’y rentrer plus tard par la fenêtre en tant qu’enseignant, il ne se réclame d’aucune espèce d’école, si ce n’est celle du monde d’aujourd’hui. On y trouvera aussi bien le street art américain de la fin du XXe siècle que la peinture néo-figurative allemande, ou les artistes belges Walter Swennen et Jacques Lizène. Impeduglia a participé tout un temps à l’aventure underground du collectif liégeois Mycose, producteur de publications et fanzines cheap à l’énergie saccageuse?: le groupe s’est auto-dissous sans remord et comme de juste, peu après avoir été reconnu par un prix de la BD alternative au Festival d’Angoulême en 2006. Mais un an plus tôt, Impeduglia se lançait déjà dans un projet solo, qui par son titre (In Gold We Trust) tirait déjà à boulets rouges sur le marché de l’art, ses classifications à rotation rapide, et ses pratiques spéculatives : l’artiste n’est pas dupe, qui sait que le classement dans les tiroirs artistiques se confond parfois trop aisément avec le tiroir-caisse. Et lui déteste s’ennuyer, reproduire les mêmes schémas à l’infini.  

 

S’il utilise donc en forme de titre certaines classifications, elles sont de suite réduites à néant par un détournement : Néo Post Retro Futuring, Iconoclassicisme, ou encore Post Néo Crétinisme. Les adeptes du post-modernisme n’ont qu’à bien se tenir, d’autant que l’artiste s’inclut lui-même dans ce grand ballet des étiquettes, proclamant sur ses toiles, à l’instar d’Iggy Pop, « I’am an Idiot?», ou se désignant, en homme de ménage dévastateur, comme «?Master Wasset ». Même son nom à consonance italienne devient matière à ironie. Impeduglia (en dialecte sicilien, «?qui s’emmêle les pinceaux?», ça ne s’invente pas), artiste francophone, pose sa signature bien en évidence sur un piédestal au sommet d’une (é)toile, mais souvent la fait précéder d’un «?van?» néerlandophone (pour « Vannerum », hommage au nom d’origine flamande de sa mère), qui, dans le cadre d’une Belgique institut